Transformation industrielle des pommes de terre : pourquoi ça bloque ?
[Contenu proposé par La Pomme de terre française] Pour la première fois depuis plus de vingt ans (hors période Covid), les exportations de frites des Pays-Bas et de la Belgique ont baissé en 2024. Depuis le début de cette année, le marché se durcit. Explications en chiffres.
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Le principal moteur de la croissance de la frite depuis vingt ans en Europe (en particulier en Belgique) a été la consommation intérieure avec une forte augmentation des exportations intra-européennes, mais également une hausse des exportations vers les pays tiers. Le marché mondial était ainsi partagé entre les États-Unis, alimentés par le Canada, et le tandem composé des Pays-Bas et de la Belgique. Mais la donne a changé !
Les trouble-fête
Depuis le Covid, ces grandes tendances sont revues à l’aune de nouveaux facteurs :
- L’augmentation des capacités de production en Europe et plus particulièrement en France ;
- L’installation de nouvelles unités de transformation dans des pays historiquement clients de l’Union européenne, tels que l’Arabie saoudite et le Brésil ;
- L’émergence de nouveaux acteurs du commerce de produits surgelés au niveau mondial. La Chine et l’Inde principalement commencent à attaquer le marché de l’Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient, avec des prix à la tonne de frites inférieurs à ceux européens ;
- L’incertitude macro-économique actuelle. Elle génère une baisse de confiance et des dépenses des ménages. Cette incertitude se traduit par une moindre fréquentation des restaurants, influençant directement la consommation de frites, plus spécifiquement en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Ainsi, pour la première fois depuis plus de vingt ans (hors période Covid), les exportations de frites des Pays-Bas et de la Belgique ont baissé en 2024, sans qu’elles ne soient complétement compensées par les hausses de l’export français. Cette tension sur les marchés export suffit aujourd’hui à expliquer pourquoi le marché se durcit depuis le début de l’année.
Le détail en quelques chiffres, pour mieux comprendre le commerce européen et mondial des frites.
Quelle dynamique des pays exportateurs ?
En 2024, les pays de l’UE à 27 ont exporté 6 125 kt de produits surgelés dans le monde, Europe comprise. Un chiffre en légère baisse par rapport à 2023 (6 220 kt), mais plus élevé qu’en 2022 (6 046 kt), année de la reprise post-Covid (4 931 kt en 2020).
Depuis 2010, la Belgique est le principal pays exportateur européen, devant les Pays-Bas. En 2024, elle a exporté 3 030 kt de frites, contre 1 792 kt pour les Pays-Bas. Depuis l’année dernière, et l’installation de l’usine Clarebout à Dunkerque, la France est devenue le 3e pays exportateur, avec 628 kt en 2024. Au global, ces trois pays ont exporté 5 450 kt de frites en 2024, en baisse de 130 kt par rapport à 2023. En effet, la hausse de l’export en France (+ 171 kt) n’a compensé que partiellement la baisse de - 162 kt aux Pays-Bas et de - 139 kt en Belgique (voir graphe 1). Depuis 2022, ces trois pays représentent entre 89 et 91 % des exportations de frites de l’UE à 27.
Quelles destinations pour l’export UE ?
Sur ces cinq dernières années, 58 % des volumes de frites surgelées exportés par l’Europe le sont en intra-UE 27 (chiffre stable), en hausse constante, sauf l’année dernière (- 28 kt).
La Grande-Bretagne est le premier pays importateur des pays tiers, avec des volumes toujours en hausse de l’ordre de 14 % du total exporté, à 841 kt en 2024.
Les autres pays importateurs des pays tiers représentent entre 27 et 28 % de l’export global, mais subissent une forte baisse en 2024 de - 70 kt. La baisse du marché de l’export de frites en 2024 s’explique donc principalement par une baisse des importations de la part des pays tiers, hors Grande-Bretagne (voir graphe ci-dessous).
L’UE exporte des frites dans plus de 200 pays. Cependant, les cinq premiers pays importateurs, hors UE, sont l’Arabie saoudite (225 kt), les États-Unis (224 kt), le Brésil (140 kt), le Chili (111 kt) et l’Australie (101 kt). Les dynamiques de flux ne sont cependant pas les mêmes. Alors que les exports augmentent vers les États-Unis (+ 18 % en 2024 vs 2022), l’Australie (+ 28 %) ou le Mexique (+34 %), ils baissent à destination de l’Arabie saoudite (- 13 %), du Brésil (- 11 %), de la Corée du Sud (- 20 %), de la Malaisie (- 32 %), de l’Indonésie (- 48 %) et de la Thaïlande (- 51 %). Par ailleurs, afin de fournir leur demande intérieure, des unités industrielles viennent de démarrer, ou sont en cours de construction, en Arabie saoudite et au Brésil, ce qui laisse moins de place aux importations européennes.
Les baisses cumulées des importations de produits surgelés en provenance d’Europe de la part de l’Arabie saoudite, de l’Indonésie, de la Malaisie, de la Thaïlande et des Philippines représentent une perte de 80 kt en deux ans.
De nouveaux concurrents ?
Depuis deux ans, la Chine et l’Inde deviennent des acteurs de plus en plus importants du commerce mondial de frites, en particulier dans la zone Asie, mais également en Arabie saoudite. Ainsi, en un an, les hausses cumulées de l’export de ces deux intervenants représentent 87 kt à destination des cinq pays cités, Arabie saoudite, Indonésie, Malaisie, Thaïlande et Philippines (voir tableau ci-dessous).
Enfin, notons que les États-Unis, eux-mêmes gros exportateurs de frites avec plus de 900 kt en 2024, perdent des parts de marché sur ces mêmes pays depuis deux ans. Leurs principaux clients restent le Japon (250 kt), le Mexique (229 kt), la Corée du Sud (75 kt) et le Canada (56 kt), avec des volumes en hausse pour tous ces pays.
La menace du président américain Donald Trump d’imposer de nouveaux droits de douane sur la Chine n’aura que peu d’effets. Ce pays a déjà drastiquement baissé ses importations de frites américaines depuis quelque temps.
En revanche, l’application de nouveaux droits de douane dans le monde pourrait complétement modifier les équilibres, les États-Unis étant le 2e pays importateur de frites européennes.
Les marchés sont sensibles, les variations de volumes pourraient s’élever de quelques dizaines à deux à trois centaines de milliers de tonnes de frites… À surveiller.
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